
L’idée de produire de l’énergie à partir de l’eau grâce à l’hydrogène vert n’a plus rien de futuriste. C’est en train de devenir réalité, et l’Afrique du Nord compte bien en profiter. Le Maroc, l’Égypte ou la Mauritanie sont déjà lancés. La Tunisie, elle, démarre tout juste. Mais rien n’est perdu : elle a des atouts. Reste à oser.
Il faut dire que le contexte mondial est favorable. La planète cherche à se débarrasser des énergies fossiles, et l’Europe, en particulier, mise gros sur l’hydrogène vert pour décarboner ses industries. L’objectif ? Importer jusqu’à 10 millions de tonnes d’hydrogène propre d’ici 2030. Et qui mieux que ses voisins du sud, baignés de soleil et caressés par les vents, pour répondre à cette demande ?
Un marché colossal
C’est là que la Tunisie a une carte à jouer. Avec plus de 3.000 heures d’ensoleillement par an, un territoire aux vastes espaces inexploités, et des vents puissants dans le sud et sur la côte, le pays dispose d’un potentiel exceptionnel en énergies renouvelables. Ce sont ces mêmes énergies qui permettent de produire l’hydrogène vert, via un procédé simple mais exigeant : l’électrolyse de l’eau. Selon des estimations du ministère tunisien de l’Industrie, le pays pourrait produire jusqu’à 6 millions de tonnes d’hydrogène vert par an d’ici 2050. Ce chiffre peut sembler abstrait, mais il représente un marché colossal, à la fois pour l’exportation et pour une utilisation locale. D’autant que la Tunisie est idéalement placée pour devenir un pont énergétique entre l’Afrique et l’Europe.
Et ce potentiel commence à être reconnu. En 2022, la Tunisie a signé un accord de coopération avec l’Allemagne autour de l’hydrogène renouvelable. Ce dernier vise à poser les bases d’un partenariat technique et stratégique, avec l’appui de la GIZ et d’autres acteurs européens. Mais sur le terrain, les projets concrets tardent à se matérialiser. Et pour cause : le pays ne dispose toujours pas d’un cadre réglementaire clair, ni d’une stratégie nationale officielle sur l’hydrogène vert.
À ne pas négliger !
Pour beaucoup, c’est là que le bât blesse. «L’absence de vision coordonnée freine les investisseurs», déplorent les experts du secteur. Pourtant, les opportunités sont énormes : emplois qualifiés, transferts de technologies, renforcement de l’indépendance énergétique… à condition d’avancer rapidement.
Autre enjeu de taille : l’eau. Le processus d’électrolyse nécessite beaucoup d’eau, et en Tunisie, cette ressource est rare. C’est pourquoi certains experts recommandent de coupler la production d’hydrogène à des unités de dessalement alimentées par des énergies renouvelables. Un défi technique, certes, mais aussi une chance de repenser notre rapport à l’eau, à l’énergie et à l’environnement.
Et puis, il y a une autre question pas moins importante, celle de l’équité. Si la Tunisie se lance dans la production d’hydrogène vert, pour qui le fera-t-elle ? Pour l’exportation uniquement, ou aussi pour couvrir ses besoins internes, moderniser ses industries, verdir ses transports ? «L’hydrogène ne doit pas devenir un nouveau produit brut que l’on extrait pour l’envoyer ailleurs. Il doit servir d’abord à renforcer notre souveraineté énergétique», insistent les experts.
Le message est clair : pour que l’hydrogène vert soit un levier de développement réel, il ne suffit pas de produire. Il faut penser chaîne de valeur locale, emploi, formation, innovation. Et surtout, il faut agir vite. Car, ailleurs, la course est déjà bien lancée.
La Tunisie a le choix : rester spectatrice ou devenir actrice de cette révolution énergétique. Elle a les ressources, les compétences et la position géographique. Ce qui lui manque, c’est une impulsion politique forte, une stratégie claire et une volonté de construire un modèle à la fois durable, inclusif et tourné vers l’avenir. L’hydrogène vert n’est plus une option. C’est une opportunité. Et elle est là, à portée de main.